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La campagne PIRATA FR12

Note d’illustration et de vulgarisation scientifique
Publié le vendredi 15 octobre 2004.


PIRATA est un projet multinational avec participation du Brésil, de la France et des USA. La phase « pilote » du projet PIRATA a couvert la période de fin 1997 à début 2001. Il est programmé actuellement une phase « de consolidation » de 5 ans (2001-2006). Un des aspects principaux de ce programme consiste à maintenir 10 bouées de mesures météorologiques et océanographiques en plein océan.

Tandis que les USA fournissent les bouées (fabriquées à Seattle), le Brésil se charge du maintien de 5 bouées situées dans l’ouest de l’Atlantique tropical (de l’équateur à 15°N vers 38°W), et la France, sous la responsabilité principale de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), a la charge de 5 bouées situées dans la partie Centrale et Est du bassin (à l’équateur-23°W et dans le Golfe de Guinée).

Pour un fonctionnement optimal, les bouées doivent être remplacées au minimum tous les ans. La dernière campagne effectuée, PIRATA FR12, est la douzième mission française du programme.

Carte de l’Atlantique Tropical avec (en rouge) la position des bouées PIRATA.

Les paramètres observés en temps réel (transmission ARGOS) par chaque bouée de type ATLAS du réseau permettent de reconstituer l’échange de chaleur à l’interface air-mer, ainsi que la structure thermohaline de la surface jusqu’à 500 mètres de profondeur. Une intégration journalière de l’ensemble des données acquises (et enregistrées localement) selon une fréquence de 10 minutes, est transmise par le système ARGOS sur le SMT et le réseau Internet.

Les sites des mouillages PIRATA ont été choisis en fonction de différents critères scientifiques (zones clés du système couplé océan-atmosphère) et logistiques (temps bateau). Par l’assimilation des données PIRATA dans les modèles numériques de circulation de l’océan et de l’atmosphère nous devrions être en mesure de mieux comprendre et simuler les variabilités de type saisonnier à interannuel de la climatologie de l’Atlantique tropical.

Ceci devrait permettre une avancée notable dans la réalisation de prédictions climatiques à moyennes échelles sur toute la région, notamment en ce qui concerne les régimes de précipitations sur les zones du nord-est du continent sud-américain et de l’Afrique de l’Ouest.

Schéma d’un mouillage PIRATA (à gauche) et photo de la bouée ATLAS en surface (à droite)

Pour la participation française à PIRATA, le navire qui devrait être généralement utilisé est le N/O Antéa (IRD), mais celui-ci, en panne depuis novembre 1999, est toujours en attente de réparation.... Il est donc depuis fait appel aux navires de Genavir.

Photo du navire océanographique ATALANTE (copyright : IFREMER)

Ainsi, la campagne PIRATA-FR12, qui a eu lieu du 28 janvier au 20 février, entre Port-Gentil (GABON) et Cayenne (GUYANE FRANCAISE), a été effectuée à bord de l’Atalante.

Plan de la campagne Pirata FR12

Sur le plan de la campagne Pirata FR12 de Port Gentil, puis Libreville (Gabon), le parcours avait pour but principal de remplacer les bouées (aux sites Soul, Java, Valse, Gavotte et Jazz) avant un transit validé jusqu’à Cayenne.

Durant ces campagnes dédiées au programme PIRATA, on procède donc principalement au relevage et à la maintenance des systèmes ATLAS. Ceci n’est pas toujours simple... Il faut d’abord repérer la bouée (grâce au radar, surtout la nuit), aller sur la bouée avec une annexe (type zodiac) récupérer les capteurs sensibles (anémomètre, pluviomètre, capteur de radiation solaire incidente....) qui risqueraient d’être endommagés pendant la récupération.

Il faut ensuite “crocher” la bouée afin de la ramener à bord, ce après avoir « largué » le mouillage, c’est-à-dire avoir désolidarisé la longueur de câble du mouillage du lest (2 tonnes) posé sur le fond afin de maintenir le système en une position fixe (un signal acoustique est envoyé au largueur situé au-dessus du lest).

A gauche :
Mise à l’eau du zodiac.
A droite :
Accrochage de la bouée Pirata

Ensuite il faut virer la bouée à bord, l’arrimer sur le pont puis virer toute la longueur du câble, soit parfois 5000m (en fonction de la bathymétrie) à entourer autour de tourets contenant chacun 500m de longueur de câble. Les 500 premiers mètres de câble sont en acier électro-porteur, ce qui permet de transmettre les mesures des capteurs immergés le long du câble vers la surface, puis de les expédier via l’émetteur ARGOS. Le câble situé plus en profondeur est généralement du câble nylon que l’on peut réutiliser plusieurs fois.

Récupération et mise sur le pont d’une bouée ATLAS.
Ces bouées ont une hauteur sur l’eau d’environ 3m.

Capteur de température et de conductivité (salinité). Ils sont noirs quand ils sont placés près de la surface afin d’atténuer l’effet de la lumière sur la mesure de température.

Après récupération, il faut nettoyer les bouées du phytoplancton, du « fouling » et des mollusques qui s’y sont accumulés, avant de les reconditionner pour leur remise à l’eau.

Enroulement du câble autour de tourets en bois... Il faut environ deux heures pour récupérer 4000 m de câble.

Avant de les remettre à l’eau, il faut parfois réparer avec de la résine les bouées endommagées, la plupart du temps à cause de chocs avec des navires de pêche venus sur place pour récupérer les poissons attirés par ces « attracteurs de vie » ! En effet, tout corps flottant devient rapidement attracteur, notamment pour certains crustacés et pour les poissons...

Cette carte (ci dessous) représente les « coups » de pêche aux thons par les navires européens de 1991 à 1999 dans l’Atlantique Equatorial. Il est remarquable que la pêche soit essentiellement concentrée dans le Golfe de Guinée... Cela ne va pas sans poser des problèmes pour le programme PIRATA !

Parfois, les bouées sont arrachées par les filet de pêche, et disparaissent (ceci est arrivé à 5 reprises depuis 1997 !).
Souvent, les anémomètres sont arrachés (ils peuvent aussi faire de beaux objets de collection !...on peut voir sur la photo de gauche le haut du mât d’une bouée sans son anémomètre, qui a été visiblement cassé !).

Le long du câble, il arrive que l’on récupère de grandes quantités de fils de pêche avec leurs leurres qui se sont enroulés autour du câble jusqu’à des profondeurs de 300 à 400m (à gauche)... Les hameçons parfois coupent le câble électroporteur (à droite), empêchant ainsi toute transmission en temps réel des mesures des capteurs immergés !

Thons, dorades coryphènes,
saumons arc-en-ciel, thazards...
Il y a certes de quoi attirer
l’intérêt des pêcheurs !!!

Ci dessous à gauche :
Avant leur installation sur la bouée, les nouveaux capteurs océaniques et atmosphériques sont testés, ainsi que la transmission ARGOS des mesures.

Ci dessus à droite :
La connexion du câble électroporteur à la bouée et à la centrale (source d’énergie, de stockage des mesures « haute fréquence » et de transmission par ARGOS des mesures quotidiennes moyennes) est minutieusement confectionnée et dûment vérifiée

Ci dessous à gauche :
Le redéploiement du mouillage doit parfois aussi se faire de nuit !

Ci dessus à droite :
La dernière étape du déploiement consiste en la mise à l’eau du lest de 2 tonnes (généralement constitué à partir de vieilles roues de wagons), ce qui est toujours une opération des plus délicates...

Une fois le lest largué, il faut attendre au moins une heure pour qu’il parvienne au fond de l’océan et que le mouillage se stabilise. On peut alors relever la position finale de la bouée avec précision.

Ci dessus, le suivi de la route du navire pendant la mise à l’eau du mouillage et la position finale sont mémorisés et indiqués sur l’écran de contrôle de navigation.

Travaux scientifiques réalisés lors de la campagne

La campagne PIRATA FR12 a également permis de faire plusieurs travaux pour d’autres programmes scientifiques. En effet, les opportunités de bénéficier de « temps bateau » dans la région sont relativement rares et donc très précieuses ! Il faut donc en profiter pour optimiser au maximum ce très coûteux temps en mer...

L’IFREMER est maître d’œuvre du programme CORIOLIS, qui consiste à obtenir, à regrouper et à diffuser en temps réel le maximum de mesures océanographiques, utilisées pour les modèles de prévision météorologiques et les systèmes opérationnels de surveillance du système climatique. Ainsi, environ 115 profils thermiques ont été effectués pendant la campagne à l’aide de sondes perdables XBT (Expendable Bathy-Thermograph), qui ont été transmis en temps réel par satellite ARGOS au Centre IFREMER de Brest, ainsi que des enregistrements en continu des courants, de la température et de la salinité de la surface de la mer effectués à l’aide des courantomètres à effet Doppler (ADCP) et d’un thermosalinographe fixés à la coque du navire.

Dans le cadre du programme EGEE (Etude de la circulation océanique dans le Golfe de GuinEE, volet océanographique du grand programme « Analyses Multidisciplinaires de la Mousson Africaine » -AMMA-) mené à l’IRD, ces profils ont été réalisés à très haute résolution spatiale (de 1/2 à 1/4 de degré) dans le Golfe de Guinée.

Sonde perdable XBT. Ces sondes (au dessus) sont reliées à un ordinateur via un fil de cuivre électroporteur (contenu dans le tube à gauche) qui se casse lorsque la sonde se situe à environ 1000m de profondeur. Elles mesurent en continu la température, ce qui permet d’obtenir un profil thermique sur toute la couche supérieure de l’océan.

Egalement dans le cadre d’EGEE, des profils hydrologiques (température, salinité, oxygène dissous) ont été réalisés le long de la radiale 10°W de la surface à 1000m, à l’aide d’une sonde CTD-O2 Seabird 911+, et des prélèvements d’eau de mer ont été effectués en 12 niveaux de profondeur, principalement dans les 100 premiers mètres, pour y analyser les sels nutritifs et les paramètres du carbone (CO2). Ces mesures ont été effectuées tous les degrés de latitude.

Ci dessous à gauche :
Récupération à bord de la bathysonde, comportant une sonde CTD-02 et 12 bouteilles de prélèvement contenant
chacune 8 litres d’eau de mer.

Ci dessus à droite :
Echantillonnage d’eau de mer dans des flacons en verre pour l’analyse du contenu en oxygène dissous.

Dans le cadre du programme portant sur l’étude des « jets équatoriaux » de L.Hua (CNRS-IFREMER / LPO-Brest) et C.Provost (CNRS/ LODYC-Paris), un mouillage courantométrique situé à 10°W-Equateur a été remplacé et un second à 23W-Equateur a été mis en place. Ces mouillages courantométriques comportent chacun six courantomètres situés entre 700 et 1600m de profondeur. Pour être parfaitement tendues, et ainsi limiter tout mouvement latéral et vertical des appareils de mesure, les lignes de câble sont parsemées de bouées (boules de verre) qui assurent de la flottabilité (de type Benthos).

Chacun de ces mouillages comporte également un courantomètre à effet Doppler (ADCP), placé vers 200m de profondeur et orienté vers la surface, afin d’obtenir les mesures de courant dans la couche supérieure de l’océan. Le courantomètre situé à 23°W-Equateur, appartenant au Brésil, fait également partie du dispositif du programme PIRATA. Sur ce mouillage situé à 23°W-Equateur, un second ADCP a été déployé vers 200m et orienté vers le bas afin d’accéder aux courants jusqu’à 800m de profondeur. Ce courantomètre appartient à l’Institüte Für Meereskunde de Kiel (Allemagne), également impliqué dans le programme international CLIVAR (CLImatic VARiability and predictability) Atlantique, via le sous-programme Tropical Atlantic Variability.

Ci dessus à gauche et au centre, courantomètres à effet Doppler (ADCP) placés dans des bouées de flottabilité et placées en tête de mouillage (LODYC & PIRATA) ; les quatre ronds rouges sont les balises acoustiques du courantomètres, orientées vers la surface. A droite, courantomètre ADCP de l’IFM-Kiel placé vers 200m de profondeur et dirigé vers le fond.

Trois sources acoustiques de l’Institüte Für Meereskunde de Kiel ont été mises à l’eau à une profondeur de 800m environ, dont une sur le mouillage à 23°W, et deux autres sur des mouillages indépendants situés à 1°N-10°W et 6°S-10W. Ces sources permettent de positionner (par la technique de triangulation) à chaque instant des bouées dérivantes, permettant ainsi d’en déduire les courants océaniques vers cette profondeur. Ces sources sont constituées d’un corps de batteries et d’une caisse de résonance afin d’amplifier le signal.

Au bout de chaque ligne de mouillage, on place un largeur acoustique au-dessus du lest, avec des bouées de flottabilité. Dans le doute (il arrive qu’un largueur ne fonctionne plus après plusieurs mois passés sous l’eau, ou que ses batteries soient épuisées), deux largeurs sont parfois placés en parallèle.

12 bouées dérivantes de surface (SVP : Surface Velocity Profiler ; voir ci-dessous) ont été déployées dans le cadre du programme international CLIVAR. Ces bouées sont fournies par la National Oceanographic and Atmospheric Administration (NOAA, USA) et fournissent tous les jours des mesures de la température de surface de l’océan par le système de transmission par satellite ARGOS. Le suivi régulier de leurs déplacements permet d’en déduire les courants superficiels océaniques.

Enfin, trois mouillages courantométriques peu profonds ont été récupérés sur le plateau continental de la Guyane Française au large de Cayenne.

Ces mouillages ont été déployés dans le cadre du programme CHICO (programme Physique et CHImie COtière en Guyane, initialisé par Jean-François Ternon du Centre IRD de Cayenne et réalisé en collaboration avec le CNRS -Centre Océanologique de Marseille-) en octobre 2003 par l’INSU à partir d’un navire vénézuélien spécialement affrété pour l’occasion.

Ces courantomètres ont été placés dans une région très particulière : très forts courants (jusqu’à 3,5 nœuds), très fortes marées, très importantes dessalures de surface, très forte production primaire et déplacements latéraux d’importants bancs de vase en profondeur en raison de la décharge amazonienne (la plus importante décharge fluviale du monde), présence d’un grand nombre de navires de pêche etc.

Il est donc primordial de limiter tant que possible la durée de présence dans l’eau des appareils ! Il était effectivement temps..... La concentration de mollusques et de coquillage (en seulement trois mois !) sur les appareils était impressionnante.

Courantomètre classique de type Aanderaa avant sa mise à l’eau (à gauche) et après sa récupération au large de Cayenne (à droite). Noter la présence d’une importante concentration de coquillages...

En particulier, le rotor d’un des courantomètres était complètement bloqué par la présence de coquillage (et ce au bout de deux mois et demi après sa mise à l’eau) ! Ainsi, les mesures de l’amplitude du courant (sa vitesse) n’étaient plus possibles...

Tête d’un des largeurs acoustiques récupérés au large de Cayenne. Quelques petites semaines de plus, et la concentration de coquillages aurait été telle que la réception du signal acoustique émis pour le largage du mouillage aurait été impossible... Le mouillage aurait alors été définitivement perdu (la seule possibilité de récupération, mais seulement sur des petits fonds, reste le dragage) !

Récapitulatif des travaux effectués pendant la campagne PIRATA FR12 :

L’équipe scientifique

L’équipe scientifique de la campagne PIRATA FR12